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RAPHAËL, LES DERNIÈRES ANNÉES – LOUVRE – PARIS

Raphaël, Bindo Altoviti. Vers 1516-1518. Huile sur bois. 59,5 x 43,8 cm. Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection, 1943.4.33 © Image courtesy of The National Gallery of Art, Washington
Raphaël, Bindo Altoviti. Vers 1516-1518. Huile sur bois. 59,5 x 43,8 cm. Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection, 1943.4.33 © Image courtesy of The National Gallery of Art, Washington

Raphaël, les dernières années
11 octobre 2012 – 14 janvier 2013
Musee du Louvre

Under the pyramide Quai du Louvre 75058 – Paris

En partenariat avec le musée du Prado, le Louvre réunit à l’occasion d’une exposition historique les œuvres réalisées par Raphaël à Rome durant les dernières années de sa courte vie. Cette période, qui est celle de son plein épanouissement stylistique, constitue le sommet de la Renaissance italienne. Retables d’église, délicats tableaux de dévotion privée, portraits d’apparat et portraits intimes pleins de subtilité, ainsi que certains de ses plus beaux dessins, montrent l’extraordinaire esprit d’invention de l’artiste, la perfection de sa touche et son sens inégalable de la grâce.

Mais Raphaël n’est pas un génie solitaire. Il travaille avec l’aide d’un important atelier à la réalisation des commandes qui lui sont passées. Ainsi, d’autres mains se joignent souvent à la sienne, notamment celle de ses collaborateurs de confiance, Giulio Romano et Gian Francesco Penni.
Autour de chefs-d’œuvre encore jamais présentés en France, une centaine de peintures, dessins et tapisseries issus des collections de près de quarante institutions retracent le parcours artistique de Raphaël et de ses deux principaux élèves, de 1513, date de l’accession au trône pontifical de Léon X, jusqu’à 1524, quatre ans après la mort du génie d’Urbino, au moment du départ de Giulio Romano pour Mantoue.

Les sept dernières années de la vie de Raphaël voient la réalisation des œuvres qui vont le plus profondément influencer l’art européen. Pourtant, les peintures de chevalet de cette époque posent des questions, en raison de leur datation problématique et de leur diversité déroutante, mais aussi et surtout parce que Raphaël n’y travaillait pas forcément lui-même. L’importance de l’atelier, le rôle déterminant de ses principaux assistants, Giulio Romano et Gian Francesco Penni, sont donc au cœur des questions posées par l’exposition, la première à s’intéresser exclusivement à la fin de la carrière de l’artiste.
Outre leur participation aux travaux de Raphaël, Romano et Penni ont également poursuivi une activité indépendante dans son atelier. Grâce à une confrontation inédite des œuvres du maître et de celles de ses élèves – produites du vivant de Raphaël et dans les années qui suivent immédiatement sa mort -, l’exposition cherche à faciliter la compréhension du degré respectif d’intervention de Raphaël et de ses disciples, tout comme elle éclaire la contribution intellectuelle et esthétique de ces derniers à l’œuvre de Raphaël.

Commissariat scientifique: Paul Joannides, Cambridge University, et Tom Henry, University of Kent. Commissaires: Vincent Delieuvin, conservateur au département des Peintures, assisté de Cécile Beuzelin, collaboratrice scientifique, département des Peintures, musée du Louvre, et Miguel Falomir, chef du département des peintures italiennes, musée du Prado.
Cette exposition est organisée par le Museo Nacional del Prado, Madrid et le musée du Louvre, Paris.
Cette exposition a été réalisée grâce au mécénat principal de Eni et au soutien du cabinet Gide Loyrette Nouel.

A l’exception de celle présentée à Mantoue et Vienne en 1999 qui était axée essentiellement sur l’œuvre graphique, les dernières expositions consacrées à Raphaël se sont toutes intéressées à ses années de jeunesse. Aujourd’hui, les musées du Louvre et du Prado, qui possèdent ensemble l’essentiel des tableaux de Raphaël et de son atelier réalisés à l’époque de la maturité de l’artiste, proposent donc de faire le point sur cette période capitale de sa production artistique et tentent de définir le plus précisément possible la frontière entre les œuvres autographes de Raphaël et celles de ses deux principaux assistants, Giulio Romano et Gian Francesco Penni. L’introduction rappelle brièvement les débuts de Raphaël à Florence, autour de l’emblématique Belle Jardinière (Paris, musée du Louvre), avant son arrivée à Rome en 1508. Les six sections construisent ensuite un parcours thématique qui explore l’ensemble des grandes réalisations de l’artiste et l’émergence sur la scène artistique de ses deux élèves préférés.

Raphaël à Rome
Le propos de l’exposition débute en 1513, alors que Raphaël travaille depuis cinq ans à Rome, principalement aux décors des Chambres du palais du Vatican. Il côtoie, entre autres, Michel-Ange, son principal rival, en charge de la Chapelle Sixtine et le Vénitien Sebastiano del Piombo. Engagée dans de grands travaux de reconstruction et d’embellissement, la ville papale est alors le principal centre artistique d’Italie, le creuset d’une âme italienne jusqu’à présent morcelée, le lieu où se réinvente le langage des formes et des couleurs. La Renaissance connaît, après Florence, un véritable âge d’or romain, bénéficiant de la présence simultanée des peintres, sculpteurs et architectes les plus éminents de la péninsule, dans une cité en pleine effervescence.
Lorsque Léon X succède à Jules II, les commandes passées à Raphaël par le pape et d’autres grands mécènes en France, à Naples, Palerme et Bologne, augmentent de manière exponentielle, au point que l’artiste se voit contraint de recruter un grand nombre d’assistants. Près de cinquante élèves et collaborateurs forment ce qui est alors très probablement le plus grand atelier dirigé par un seul peintre.

Il faut dire que Raphaël, tout juste trente ans en 1513, ne se contente pas de peindre des tableaux de chevalet, sujets de la présente exposition. Il travaille à la conception et à la réalisation de fresques monumentales et éblouissantes, au Vatican bien sûr, mais également à la Villa Farnésine ; il dessine des cartons pour la réalisation des tapisseries de la Chapelle Sixtine ; il reprend en tant qu’architecte, après la mort de Bramante en 1514, le chantier de la reconstruction de la Basilique Saint-Pierre ; il se trouve chargé du relevé des monuments de la Rome antique dans un but conservatoire, etc. Courtisan et lettré, parfaitement intégré aux cercles humanistes au sein desquels il noue de solides amitiés, Raphaël incarne parfaitement le prototype de l’artiste universel et les idéaux de la Renaissance.

Au sommet de son art
Après avoir suivi Pérugin, admiré Léonard de Vinci, observé Michel-Ange, regardé les statues antiques, Raphaël atteint à Rome la parfaite maîtrise de son art, fondée sur un sens inné de l’équilibre. Car dans l’ultime phase de carrière, c’est bien le génie de la composition qui frappe chez lui. Il a le don de l’image harmonieuse, tout à la fois forte et évidente, même si derrière cette aisance et cette simplicité apparentes se cachent des études approfondies de chaque détail et un important travail de recomposition, dont il ne craint pas d’augmenter la complexité à mesure qu’il s’affirme.

Bien qu’une grande partie des œuvres les plus célèbres et novatrices réalisées par Raphaël au cours de cette période soit composée de fresques (évoquées dans l’exposition grâce aux dessins préparatoires pour les Chambres du Vatican), les retables, les tableaux de dévotion privée représentant essentiellement la Sainte Famille ou la Vierge à l’Enfant, et les portraits, tous réalisés entre 1513 et 1520, sont de la plus grande importance historique et artistique.

Les tableaux d’autel offrent un parfait exemple de la volonté de Raphaël de bouleverser les schémas traditionnels, en y introduisant le langage dramatique qu’il développe au même moment dans les fresques et les cartons pour les tapisseries: si la Vierge au poisson (1513-1514, Madrid, musée du Prado) répond encore au canon du genre, la Montée au Calvaire, dit Lo Spasimo (1515-1516, Madrid, musée du Prado), ou le grand Saint Michel (1518, Paris, musée du Louvre) incarnent de manière spectaculaire sa recherche narrative et sa quête de l’expression des passions. Quant aux tableaux de dévotion privée, de format plus modeste, même si le maître a peu de temps à leur consacrer, c’est avec toujours autant d’inventivité et de renouvellement qu’il continue d’en concevoir l’iconographie: La Perla et la Madone à la rose (tous deux : Madrid, musée du Prado), chefs- d’œuvre de tendresse, illustrent merveilleusement son art de la variation.

L’impression laissée par les Madones de Raphaël, dont la douceur et l’élégance ont tant séduit la postérité, a sans doute contribué à faire oublier qu’il a révolutionné l’art du portrait, en explorant le premier des possibilités jusque-là délaissées par ses contemporains.
Raphaël, Portrait de femme, dit La Velata. 1512-1518. Huile sur toile. 82 x 60,5 cm. Florence, Palazzo Pitti, Galleria Palatina © Scala, Florence
Raphaël et atelier, La Montée au Calvaire, dit Lo Spasimo di Sicilia. 1515-1516. Huile sur bois, transposé sur toile. 318 x 229 cm. Madrid, Musée du Prado © Museo nacional del Prado, Madrid

Une différence existe cependant entre les portraits officiels et les portraits d’amis. Malgré la qualité de ses commanditaires, Raphaël semble avoir accordé une importance relative aux premiers, dont une partie de l’exécution picturale pouvait être confiée à l’atelier. En revanche, les portraits d’amis ou de proches témoignent, moins dans la forme que dans la manière de peindre, d’une acuité psychologique et d’une profondeur dans le rendu de la personnalité du modèle. Les exceptionnelles représentations que sont le Baldassare Castiglione, l’énigmatique Autoportrait avec Giulio Romano, probablement le dernier portrait peint par le maître (tous deux: Paris, musée du Louvre), La Velata (Florence, Galerie Palatine) et Bindo Altoviti (Washington, National Gallery of Art) attestent chacune de l’accomplissement atteint par Raphaël dans ce domaine.

L’atelier de Raphaël
Le succès considérable de Raphaël l’empêche de faire face seul à toutes les commandes qu’il reçoit. Il met en place, durant les dernières années, un système particulièrement efficace, qui servit de modèle aux grands ateliers du XVIIe siècle.
Le travail au sein de l’atelier répond à un fonctionnement très collaboratif. Raphaël invente les compositions, Penni se charge de les mettre au propre, raison pour laquelle il est souvent fait mention de lui comme du fattore, c’est-à-dire le « recopieur », et les élèves réalisent les cartons. Le maître intervient de nouveau au moment de l’exécution picturale mais c’est régulièrement Giulio Romano qui l’assiste, voire le remplace pour les commandes les plus prestigieuses.
Cette délégation de plus en plus fréquente de la réalisation à ses assistants les plus brillants n’empêche pas Raphaël d’exercer un contrôle rigoureux sur l’ensemble de la production de son atelier, dont il assure ainsi l’homogénéité.

Dans l’ombre du maître: Giulio Romano et Gian Francesco Penni
Deux artistes étroitement liés au maître se distinguent parmi les collaborateurs de Raphaël: dans les œuvres rassemblées à l’occasion de cette exposition, ce sont les tableaux de dévotion privée qui permettent le mieux d’identifier et d’apprécier les contributions personnelles de Giulio Romano et Gian Francesco Penni. En plus de réaliser des œuvres au nom de Raphaël, comme la Petite Sainte Famille et son couvercle (Paris, musée du Louvre) destinée au cardinal Bibbiena, ils exécutent également des tableaux composés à partir de motifs raphaélesques hors de toute demande du maître.

Giulio fait preuve de plus de personnalité, apportant progressivement des aspects de sa propre esthétique dans l’œuvre de Raphaël. Il est son principal collaborateur, le plus polyvalent et le plus ambitieux. Son talent s’exprime dans des œuvres complexes, dont le style commence à échapper aux influences de son maître, comme la Déisis (Parme, Galerie Nationale) ou le grand carton pour la Lapidation de saint Etienne (Cité du Vatican, Musées du Vatican). La figure artistique de Gian Francesco est, en revanche, moins évidente. S’il existe un consensus autour de ses dessins, son œuvre picturale semble aujourd’hui lentement sortir de l’ombre et l’exposition permet de l’éclairer d’une façon nouvelle.

Avec le départ de Giulio Romano pour Mantoue en 1524, puis le sac de Rome en 1527, l’atelier de Raphaël se disperse et, en gagnant les autres cours italiennes, où ils diffusent la manière moderne, ses élèves contribuent à la naissance du maniérisme.

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